La veille au soir, il suffisait de laisser la feuille avec nos choix de repas et l'heure approximative du petit-déjeuner sur la table dans le couloir : au petit matin, nos assiettes d'oeufs brouillés et saumon fumé servis par le mari de la propriétaire, qui est également très sympathique, arrivent pile à l'heure. On ajoute à cela, de la salade de fruit, des céréales, du fromage… Voilà une très bonne manière de commencer la journée !

Après avoir fait quelques courses pour le repas du midi, on se dirige vers l'embarcadère du ferry qui doit nous emmener sur l'île de Mull. On s'arrête à l'entrée où un agent nous dit de donner notre nom à son collègue qui se trouve dans une petite cabane, un peu plus loin. Celui-ci nous guide dans une des files d'attente : les voitures sont garées les unes derrière les autres, puis une autre file est dédiée à ceux qui n'ont pas de réservation. S'il y a encore de la place sur le ferry, ils pourront monter à bord; sinon, ils devront attendre le suivant. L'agent nous explique qu'on doit être de retour à la voiture à une heure précise, mais d'ici là, on peut aller se promener. Mon père en profite pour aller voir le ferry accoster, tandis qu'on patiente dans la voiture avant qu'un agent ne passe scanner nos billets. À peine les dernières voitures ont débarquées du ferry, qu'on avance déjà. Il n'y a pas de temps mort !

On peut sortir de la voiture pendant la traversée, qui doit durer cinquante minutes. La décision est prise d'aller sur le pont supérieur, à l'extérieur. Il ne fait pas chaud et en mer, ce sera encore pire. Mais autant profiter de l'air marin ! Une annonce sur les haut-parleurs nous explique les règles de sécurité et ce qu'il faut faire en cas d'urgence; avant qu'on ne s'éloigne doucement d'Oban. Les quelques bâtiments du port apportent un peu de couleurs à un paysage assez monochrome.

Je l'avoue : l'ambiance est morose. Mon moral n'est même plus dans les chaussettes, mais carrément sous la plante des pieds ! La météo est pourrie (bien qu'avec du recul, ça pourrait être bien pire), la vue est bof puisqu'on ne voit que des nuances de gris, les sommets de Mull sont perdus dans les nuages… Certes je suis contente d'être là, mais je suis également déçue; et finalement plus déçue pour mes parents que pour moi-même. Déçue qu'ils ne puissent pas voir ces paysages splendides d'Écosse. C'est la première fois que nous sommes dans cette région, mais on sait ce que ce pays peut offrir comme vues à couper le souffle. On peut apercevoir quelques reliefs, quelques falaises… Et c'est tellement frustrant de ne pas pouvoir réellement en profiter sous une meilleure lumière ! J'aimerais tellement que ce voyage, leur voyage, soit parfait. J'espère simplement que la météo s'améliorera dans la journée et qu'ils auront alors l'opportunité d'apprécier l'Écosse, comme on a pu avoir la chance de l'apprécier l'année dernière : avec au moins quelques petits rayons de soleil. Même si eux n'ont pas l'air embêtés par cette météo plus que mitigée…

Les seules couleurs du paysage proviennent du sillage du bateau qui laisse apparaître une eau turquoise ! Alors qu'on accoste sur Mull et ne parlant pas anglais, mon père se retrouve à devoir mimer à un des agents qu'il ne descend pas car il m'attend… Me voilà la dernière à sortir du ferry, à cause d'une pause toilette un peu tardive, je l'avoue. Les passagers sont déjà prêts à embarquer pour rejoindre Oban et ils sont autorisés à monter à bord dès que je les croise.

Notre premier arrêt sur l'île est le Duart Castle. On emprunte les premières routes à passing places, ces routes qui ne sont pas assez larges pour que deux voitures se croisent. On reprend vite l'habitude de se mettre de côté pour laisser passer la voiture d'en face, mais c'est un peu troublant pour les parents. On se promène tranquillement dans les environs du château, en faisant le tour de la bâtisse qui, en ce moment, est enveloppée dans des échafaudages. Mon humeur est un peu meilleure et finalement l'atmosphère est presque mystique. En fin de compte, c'est aussi ça le charme de l'Écosse !

Serait-ce notre ferry qui repart déjà vers Oban ? Le voilà qui passe entre nous et l'île d'en face. Un panneau nous indique que la plongée est interdite par ici afin de protéger une épave qui se trouve à une dizaine de mètres de profondeur : celle du Swan, qui a sombré en 1653.

On prend ensuite la direction du sud, sur l'A849. Quelle vision que de voir une forêt de pins sur notre droite, tandis que du côté gauche de la route, ce ne sont plus que les vestiges d'une telle forêt : des bûches séchées blanches et le reste de branchage jonchent le sol, tel un cimetière.
Un peu plus au sud, nous voilà dans les paysages si typiques de l'Écosse avec ces montagnes aux pentes vertigineuses et rocailleuses; ces reliefs que j'aime tant. On s'arrête un peu plus loin pour profiter de l'endroit, qui parait si désert. La vue est saisissante : trois petits lacs reliés entre eux par un filet d'eau, des nuages bas qui produisent une atmosphère si particulière… C'est splendide !

On reste un long moment à la jonction avec la B8035 qui part vers l'ouest. Cet endroit est grandiose. On sort de la vallée qu'on vient de traverser et voilà qu'on est entourés d'un espace qui s'étend sur des kilomètres. Une boîte aux lettres et un abribus sont postés là, comme pour nous rappeler que cette île est bel et bien habitée. Au loin, une petite maison blanche ajoute un autre signe de vie dans ce paysage. Le sommet du Ben More, la plus haute montagne de l'île, est dans les nuages. Mais qu'importe, le contraste entre ces nuages noirs menaçants et ces parcelles jaunes éclairées par le soleil (qui pointe enfin le bout de son nez !) me ravissent. Je pourrais rester là pendant des heures. C'est toujours un tel dépaysement et un calme si appréciable.

On continue notre route jusqu'au bout de la péninsule, au sud de l'île, et plus particulièrement le petit village de Finnphort. À l'entrée du patelin, une vache typique, la Highland Cattle, ne se presse pas pour avancer. C'est limité à 30 mph… et elle les respecte largement !

Le temps de garer la voiture sur le parking de la ville, puis on va se promener vers la plage. Le vent souffle fort mais il y a maintenant un grand soleil. Les couleurs sont spectaculaires, notamment les nuances de bleu de la mer. Un ferry fait route vers l'île de Iona, qui est juste en face, au point d'avoir l'impression de pouvoir traverser à la nage. On se promène sur la plage jusqu'à rejoindre ces cailloux orange et rosés qui nous rappèlent étrangement l'ouest américain. L'Écosse est pleine de surprises !

On grimpe sur les rochers pour prendre un peu de hauteur avant de retraverser la plage en direction de la voiture. Mine de rien, il faut refaire en sens inverse les trente kilomètres qui nous sépare du précédent carrefour pour pourvoir continuer notre tour de l'île. Et c'est une route à passing place : on ne roule donc pas aussi vite que sur une grande route, surtout quand on s'arrête régulièrement pour admirer la vue ! La route longe la côte et nous rappelle un peu les paysages de l'île de Skye lorsqu'on aperçoit des falaises au loin. De l'autre côté de la baie, de gros nuages noirs recouvrent toujours Ben More, tandis que la petite maison blanche est maintenant éclairée par quelques rayons de soleil : quel spectacle fantastique !

On bifurque vers l'ouest sur la B8035 en montant un col. L'arrivée en haut est spectaculaire. Non seulement le vent souffle plus fort que jamais (au point d'avoir du mal à refermer la portière), mais la vue est saisissante. En contrebas, on peut voir les ruines d'une ancienne bâtisse, et de petits îlots de terre sont parsemés dans la mer. Sur la gauche, une falaise impressionnante retient les nuages.

La route passe entre un mur formé par la montagne, sur notre droite, et la mer qui est à quelques mètres à peine sur notre gauche. Et encore, c'est marée basse ! Ce passage doit être encore plus spectaculaire à marée haute. On prend le temps de s'arrêter sur la bas côté quand il y a assez de place pour se garer, afin de profiter de ces paysages à couper le souffle, tout en prenant notre casse-croûte. On ne s'attendait pas à ça, mais l'île de Mull nous aura très agréablement surprise. Sur le bas côté, un tout petit agneau est caché à l'abri du vent, dans un trou formé par les rochers et l'herbe. Mais où est donc sa maman ?

Plus loin sur la route, les nuages commencent à se dégager des hauteurs et on peut apercevoir quelques plaques de neige. Il faut dire qu'il ne fait pas chaud par ici (environ 10°C), on comprend mieux pourquoi la neige tient encore à plus de 1 000 mètres d'altitude.

Alors qu'on remonte vers le nord, le panorama est époustouflant et l'un des plus beaux que l'île peut offrir. Le bleu de la mer, le noir et blanc des nuages, le jaune de l'herbe… Des reliefs à perte de vue et à peine quelques signes de vie dans les alentours. Cet endroit est spécial. Mon père est dans son élément, avec une densité de population parfaite : trois habitants au km². Quant à moi, il ne me suffirait que de quelques m² pour y planter ma cabane… Je me verrais bien rester par ici aussi.

Quelques kilomètres plus tard, nous voilà à Eas Fors Waterfall qui débute sur la droite de la route, pour se jeter un peu plus loin dans la mer, en chutant d'une trentaine de mètres. La forme des arbres, sculptés par le vent, est impressionnante. Le seul moyen de voir la cascade depuis le bas, est de marcher sur la plage rocailleuse depuis le départ du ferry, un peu plus loin. On ne fera que s'approcher modérément du bord. Avec le vent, l'eau de la cascade remonte tel un brumisateur ! On s'aventure à traverser la rivière en passant d'un cailloux à un autre. Stéphane revient de sa première tentative pour remonter vers la route avec la chaussure couverte de boue ! Un petit nettoyage dans la rivière est de mise. On décide de la retraverser pour remonter par le chemin initial, qu'on a emprunté pour descendre. Ce sera plus sage…

La route quitte la côte pour s'enfoncer dans les terres. C'est une façon de parler… car au lieu de s'enfoncer, une suite d'épingles et de pentes à 20% nous font vite prendre de la hauteur ! On traverse un ou deux petits villages puis apparait Calgary Bay, son eau turquoise et sa plage de sable blanc.

Le ciel se couvre doucement. Un chien s'approche de nous et commence à laisser un bâton à nos pieds, avant de se coucher un peu plus loin, prêt à bondir pour courir afin de le rattraper. Son maître ne semble pas être dans les parages. Stéphane et mon père lancent le bâton à tour de rôle. Le chien court à toute vitesse pour le chercher, le laisse tomber, en prend un plus grand qu'il vient ramener à leurs pieds avant d'aller s'allonger plus loin, à nouveau prêt à bondir. Il ne s'en lasse pas !

Son maître arrive un peu plus tard, et sa maîtresse est en tenue pour aller se baigner ! Une combinaison, un bonnet, des lunettes de piscine et la voilà qui entre dans l'eau… Il ne fait pourtant pas chaud du tout ! Le maître et un ami continuent la promenade sur la plage, après avoir récupéré son chien. Plus loin, ce sont deux Golden Retriever qui s'amusent à tout va, pendant que la femme continue de faire quelques longueurs.

Après quelques kilomètres, on arrive dans la plus grande ville de l'île : Tobermory et ses 700 habitants. Les maisons colorées le long du port sont l'image qu'on peut voir sur de nombreuses cartes postales. Elles nous rappellent celles de Portree sur l'île de Skye. On est clairement hors saison : il n'y a pas grand monde par ici et alors qu'on se promène sur la route principale, la majorité des magasins et restaurants sont fermés. Tout parait assez monotone. On arrive également trop tard pour visiter la distillerie de la ville.

On tente de trouver un restaurant ouvert mais les quelques-uns qui le sont ne nous donnent pas vraiment envie. Finalement, la fatigue a eu raison de nous : on décide de se rendre dans un magasin chercher des plats cuisinés à réchauffer puisque ce soir, on loge dans un logement équipé de parties communes, dont une cuisine avec micro-onde et frigo. Ça tombe bien !

En arrivant, on prend possession de la chambre sans rencontrer les propriétaires : la clé est accrochée à un tableau dans l'entrée, avec notre nom, parmi d'autres clés puisque l'établissement compte huit chambres. Le temps de se reposer une heure puis on fait un petit tour à pied dans les environs. Devant le logement, des petits agneaux noirs sont survoltés, alors que le soleil commence à se coucher.
On ne tarde pas pour prendre notre repas dans la cuisine avant de remonter dans notre chambre.

Le lieu est si calme, on se dit qu'on pourra passer une bonne nuit. Malheureusement, nos voisins de chambre asiatiques n'ont pas vraiment conscience du manque d'insonorisation puisqu'ils font du bruit jusqu'à 2h du matin. Un coup sur le mur et ça se calme, au moins temporairement…