La remontée vers Mallaig
Un nouveau ferry nous attend aujourd'hui. On quitte déjà l'île de Mull, à regrets, pour continuer vers le nord. On aurait pu rester plus longtemps mais on a choisi de voir d'autres endroits pour faire découvrir à nos parents des lieux qu'on avait adorés lors du premier séjour, à savoir l'île de Skye notamment. Mais pour cela, il faut faire un peu de route et quelques concessions : bouger souvent, au lieu de rester plusieurs jours à un même endroit.
Le petit-déjeuner est compris dans le logement mais il est bien différent de d'habitude. La famille qui gère l'établissement a choisi des produits uniquement végan. Résultat, même le lait a un goût bizarre puisque ce n'est pas du lait de vache. Il y en a de différents parfums, dont un aux céréales. Je l'avoue, les oeufs et le bacon me manquent !
On prend la route pour attraper le ferry qui est prévu à 10h à Fishnish. Seulement en arrivant sur place, un panneau lumineux me fait prendre conscience de mon erreur : le ferry part bien à 10h, mais de Lochaline, sur l'autre rive… Il faut donc attendre une vingtaine de minutes supplémentaire avant de le voir pointer le bout de son nez.
Pour celui-ci, il n'y avait pas la possibilité de le réserver, puisqu'il est moins fréquenté. Personne n'est là pour faire le check-in. Il n'y a qu'une petite maison avec des toilettes et une salle d'attente où on patiente quelques minutes, avant de se promener le long de l'eau. Seuls quatre ou cinq voitures embarquent et à 10h25 pile, après avoir payé la traversée, le ferry repart déjà pour rejoindre Lochaline. Le soleil nous accompagne pour le trajet, pendant lequel on peut admirer les sommets enneigés de Mull ou encore la falaise du côté d'Inninbeg, depuis le pont du ferry. Un panneau indique que "jeter des déchets par dessus bord est une infraction". C'est une honte aussi, que de pouvoir même l'envisager !
Arrivés de l'autre côté, on traverse rapidement le tout petit village de Lochaline avant de s'enfoncer dans des terres bien plus désertes encore. La route a l'air d'avoir été refaite et le bitume noir contraste fortement avec le jaune environnant. En haut d'une colline, on s'arrête pour profiter de la vue sur une vallée magnifique, au fond de laquelle se cache une seule et unique maison, où l'on accède grâce à un petit chemin de terre. Ces étendues désertes sur des kilomètres, cachées derrières les collines, cette nature si sauvage : c'est tout ce que j'aime dans ce pays ! Les photos ne rendent pas justice à l'étendue et la beauté du lieu. L'hiver doit être rude mais ce paysage recouvert de neige doit être splendide. Je suis certaine que je reviendrai dans plusieurs années… et cette fois, ce sera encore plus tôt dans la saison.
Un peu plus loin, on arrive au sommet d'une nouvelle colline et le paysage change à nouveau : à la place de collines bossues, on peut maintenant admirer une forêt, des sommets plus importants où il subsiste même un peu de neige et un bras de mer : Loch Sunart, qu'il nous faut contourner pour monter vers le nord.
Il n'y a pas beaucoup de visites prévues lors de cette journée, qui, sur le papier, est plus une journée étape que de réelles découvertes. On a largement le temps de rejoindre Mallaig, où l'on fait étape ce soir, on laisse donc place à l'improvisation. Avant de poursuivre vers le nord, on décide de bifurquer vers l'est. Sur notre carte Michelin, la route est couverte d'un liseré vert et semble entourée de sommets de plus de 800 mètres. Tout ce qu'on aime !
Très vite, on comprend qu'on ne regrette absolument pas notre choix : Glen Tarbet est magnifique ! La route, parfois un peu sinueuse, nous mène jusqu'à Loch Linnhe et aux montagnes de plus de 1 000 mètres de la chaîne de Glencoe et du Ben Nevis.
On longe la côte et les pâturages : la vue sur les sommets et l'entrée de Glencoe est spectaculaire ! Les quelques plaques de neige ajoutent encore un petit quelque chose qui nous fait tomber encore d'avantage amoureux de cette vue.
Un panneau donne des explications sur la formation de cette région : le Ben Nevis et le Glen Coe sont en fait deux volcans et Loch Linnhe est le plus long fjord d'Écosse. Il constitue le début de la grande faille (Great Fault) quasi-linéaire qui traverse tout le pays, et ce jusqu’à Inverness, en passant par le Loch Ness.
Il est temps de refaire la route en sens inverse et de retraverser la très belle vallée de Glen Tarbet. Des chemins en terre montent vers des carrières. La pente de certains de ces chemins est impressionnante. On n'aimerait pas s'y risquer en voiture, de peur de tomber en arrière !
On prend notre repas de midi à Strontian : il y a là une petite épicerie où l'on s'achète de quoi faire des sandwichs, qu'on mange sur une table de pique-nique dans le parc juste à côté. C'est un bel endroit que les parents aiment bien. Et le soleil arrive justement à ce moment-là, comme pour nous souhaiter bon appétit. Cela dit, on porte encore nos vestes polaires : il y a un vent frais. Nos voyages passés nous ont appris à faire attention à ce que rien ne s’envole. On en a déjà fait l'expérience à de multiples reprises…
On se dégourdit les jambes près d'Ardery où l'on fait une petite boucle dans la forêt. C'est le début de la floraison pour les mélèzes, avec des petites pousses vertes fluo. C'est vrai qu'à cette période, tout est encore assez jaune et pas très fleuri. Mais j'adore ce côté plus rude et sec par rapport à l'été, où tout est bien vert…
On continue notre remontée vers le nord, tout en bifurquant vers Ardtoe, dont les plages sont reconnues comme des lieux touristiques. C'est marée basse quand on admire Kentra Bay, avant l'entrée du village. Deux îlots sont posés sur le sable et au milieu d'un couloir d'eau, un zodiac se retient grâce à un câble. Le village en lui-même ne se résume qu'à quelques maisons. On arrive finalement à un cul-de-sac, où l'on fait demi-tour.
Alors qu'on ressort du village pour rejoindre la route principale, on aperçoit de la fumée et des flammes sur la droite de la route. On fait demi-tour quelques mètres plus loin pour revenir s'arrêter à hauteur de la fumée. Sur le bas côté, les herbes sont en feu et il ne semble y avoir personne aux alentours ! Ma mère dit d'ailleurs qu'il a déjà pris de l'ampleur depuis qu'on l'a remarqué à notre premier passage. Ni une, ni deux, j'appelle le 999 des urgences. La connexion passe mal et l'accent de la personne que j'ai au bout du fil est à couper au couteau. J'essaye tant bien que mal d'expliquer où je me trouve : la route qui mène à Ardtoe (comment ça se prononce ?!). J'épelle le nom de la localité plusieurs fois. "Ardtoe, Scottish Highland ?" Oui, c'est ça… mais on est un peu au milieu de nulle part. Allez expliquer où l’on se trouve précisément ! C'est peine perdue. Me voilà à parler avec quelqu'un qui se trouve peut-être à Édimbourg qui sait ! Le bruit du vent l'empêche également de m'entendre. Stéphane revient avec la voiture et je continue l'appel assise à l'arrière, tout en nous dirigeant vers les premières maisons du village. La connexion coupe, on s'arrête à la première maison et c'est deux gros chiens qui nous accueillent dans la cour… Une femme sort de sa cuisine, alors qu'elle a les mains dans la pâte : elle est en train de faire une tarte.
Je lui explique, un peu paniquée je l'avoue, qu'un feu de broussailles a commencé plus loin sur la route. Son mari arrive et il ne semble pas du tout surpris. "C'est sûrement la personne à qui appartient les terres qui a allumé le feu (pour régénérer le sol)," dit-il très calmement. Apparemment, ils ont l’air d’avoir l’habitude de ce genre d’incendie; comme si c'était courant chez eux. Ils nous remercient de les avoir prévenu et le mari décide quand même d'aller voir, en nous disant qu'il va vérifier. Joignant les gestes à la parole, il se dirige vers sa voiture alors qu'on reprend la route.
En repassant devant, le feu a encore bien progressé mais on ne peut pas faire grand chose de plus : les secours et des habitants ont été prévenus…
Après ce moment riche en émotions, on continue notre route, en croisant une file de moutons bien disciplinés ! On traverse une nouvelle vallée déserte et splendide, puis on se retrouve le long de la mer. Des bateaux de pêches et même un élevage de poisson habillent la côte.
Le célèbre viaduc de Glenfinnan est notre prochain arrêt. Il n'était pas prévu au programme non plus mais on décide de faire le détour; puis sur place, on se met en marche pour faire la boucle Glenfinnan Trail View Point qui permet d'avoir un bel aperçu de ce magnifique ouvrage, mais aussi du Loch Shiel et de la montagne Sgurr Ghiubhsachain (à vos souhaits !). Le chemin est d'abord macadamisé, jusqu'à ce qu'on passe sous le viaduc. Un petit chemin en terre prend de la hauteur pour finir par surplomber le viaduc, célèbre pour être apparu dans Harry Potter. Certains n'hésitent pas à venir spécifiquement à l'heure du passage du train à vapeur qui relit Fort William à Mallaig, The Jacobite, qui avait été utilisé pour les films.
On se met de côté pour laisser passer un coureur, qui fait des aller-retours sur le sentier. Un bon exercice de cardio dans un décor superbe ! La neige surplombe encore les quelques sommets environnant dans une grisaille qui donne une atmosphère particulière à l'endroit.
Tout un groupe de touristes britanniques arrive derrière nous. Certains ne sont pas vraiment équipés pour la balade et d'autres souffrent du dénivelé. Il faut dire que l'allure est plutôt soutenue. On les laisse passer alors qu'ils se suivent en file indienne, et on profite des différents points de vue : c'est splendide !
Une partie du groupe prend le mauvais chemin pour descendre à la gare, où la boucle se termine. L'accompagnateur les rappelle : les voilà qui doivent remonter la pente bien abrupte qu'ils viennent de descendre pour retrouver leur groupe.
On reste un moment à la gare, où de vieux trains sont exposés. L'un d'eux sert de restaurant et un autre d'hôtel, toujours utilisés aujourd'hui. C'est ici qu'un autocar arrive pour récupérer le groupe de touristes. Quant à nous, il faut descendre le long de la route pour revenir jusqu'au parking, en passant devant l'église Saint Mary & Saint Finnan.
Lors d'une petite pause le long du Loch Eilt, on remarque un sapin, tout seul sur un petit îlot de terre. Il semble bien isolé. Puis on continue notre remontée vers Morar, en quittant la route principale pour en prendre une autre qui passe plus près de la mer. L'école primaire du village d'Arisaig arbore le drapeau européen. Je doute qu'ils aient vôté pour le Brexit par ici… L'eau est turquoise, le sable est blanc. Difficile de se croire en Écosse et pourtant ! C'est toujours aussi surprenant comme on peut passer de la montagne à la mer, et inversement, en si peu de temps.
À Morar, une petite promenade sur la plage de sable blanc s'impose, malgré les quelques gouttes de pluie qui commencent à tomber ! Au moins, il ne se met à pleuvoir qu'en fin d'après-midi. On a été chanceux le reste de la journée, c'est le plus important.
Ce soir, on loge au West Highland Hotel. Il faut dire que par ici, il n'y avait pas énormément de choix. La ville a beau être le point de départ du ferry vers l'île de Skye, elle ne regorge pas pour autant d'hébergements !
Alors qu'on s'installe dans les chambres, on trouve le portefeuille d'un client précédent dans le tiroir du bureau. On le ramène à la réception, avant de téléphoner pour réserver le restaurant de ce soir, le Steam Inn, qui se trouve juste un peu plus bas, dans la même rue.
Avant de s'y rendre, on fait un petit tour au port pour admirer les bateaux de pêche mais il recommence à pleuvoir. On prend cela comme un signe : il est temps d'aller manger !
En entrant dans le restaurant, on se rend compte qu'il était totalement inutile de réserver. Il n'y a qu'un seul autre couple dans la salle. On est peut-être un peu tard également, ils semblent qu'ils vont bientôt fermer. Les deux serveuses ne sont pas submergées par le travail et passent le temps comme elles peuvent.
Après le repas, on fait une dernière balade sur le port, histoire de digérer un peu. Demain, on va découvrir des endroits qui nous sont totalement inconnus sur une île qu'on a particulièrement aimée lors de notre premier voyage : l'île de Skye !
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