Au pays des canyons
Oh, il a plu cette nuit, et pas qu'un peu ! Des nuages sont encore éparpillés dans le ciel quand on met le nez dehors. On appelle nos parents sur Skype devant de l'hôtel : on sait trop bien qu'on entend clairement les conversations entre les chambres, on ne veut réveiller personne… Ils sont surpris de nous voir en veste polaire et avec nos bonnets sur la tête. Oui, il ne fait qu'un petit 8°C ce matin.
On avale un muffin et des cookies dans la chambre en guise de petit déjeuner avant de prendre la route vers 8h40. Aujourd'hui, direction Canyonlands National Park et plus particulièrement la partie Island In The Sky. On repasse devant l'entrée du parc d'Arches et les files d'attentes sont encore plus longues que la veille : ils font même la queue dans la montée après l'entrée du parc. Pourtant on est lundi… comme quoi, semaine ou week-end, c'est la même pagaille.
On bifurque vers la gauche, sur une route qui monte jusqu'à un plateau où un point de vue est aménagé. Il ne fait déjà plus que 5°C et des nuages sont bien visibles tout autour. Les rayons de soleil essayent tant bien que mal de percer de temps à autres mais ils semblent y avoir de belles averses dans les environs. Pour l'instant, on y échappe.
On est surpris de croiser des camions citernes sur cette route 313 alors que c'est un sans issue qui se termine dans le parc de Canyonlands. Plus loin, on remarque un puit de pétrole sur notre gauche. Tout s'explique !
Le premier arrêt dans le parc de Canyonlands se fait à Shafer Canyon Overlook, qui surplombe le canyon mais aussi la piste en terre qui descend à flanc de falaise. Inutile de dire qu'il est inenvisageable pour nous d'emprunter cette piste. L'endroit est vertigineux. On se contente du point de vue qui est déjà bien assez impressionnant. En contrebas, on aperçoit des vététistes qui sont en train de descendre dans le canyon. Bon courage à eux s'ils doivent remonter…
Ce paysage de roches rouges contraste fortement avec la route qu'on emprunte pour s'enfoncer un peu plus dans le parc et rejoindre Upheaval Dome : de l'herbe et des arbustes bordent la route tout le long. Le parking est assez petit mais on arrive à trouver une place après en avoir fait le tour une deuxième fois. On s'équipe avec nos vestes polaires, coupe-vent et bonnets pour entamer le trail. Mine de rien, on se trouve à presque 1 400m d'altitude, et ce n'est pas le point le plus élevé du parc.
Cette randonnée de plus de deux kilomètres nous amène à deux points de vue qui surplombent le paysage le plus déroutant du parc et qui nous rappelle les couleurs vues la veille le long de la randonnée de Delicate Arch. On a l'impression de se retrouver sur les bords d'un cratère de volcan. Il se trouve que le plus probable est que ce soit un cratère laissé par l'impact d'une météorite il y a environ 60 millions d'années.
On arrive au premier point de vue bien plus rapidement que ce qui est prévu. Le deuxième point de vue est quant à lui plus éloigné que prévu… Depuis hier, on a tendance à faire de moins en moins confiance aux distances indiquées.
Pour rejoindre le deuxième point de vue, il faut suivre des cairns et parfois utiliser des marches creusées dans la roche puis redescendre une cinquantaine de mètres de dénivelé (qu'il faudra remonter…). Deux passages sont un peu délicats quand on a le vertige mais ça passe sans problème quand on prend le temps d'y aller doucement et d'examiner le contexte dans lequel on est : il n'y a pas de risque de grosse chute par exemple. Le risque est donc minime.
Les formes et les couleurs au fond du cratère sont fantastiques. On ne saurait dire si c'est du sable ou des roches. On profite de la vue pour faire une petite pause et grignoter une barre de céréales. Sur le retour, une famille chinoise brise le calme du lieu, encore une fois en faisant comme s'ils étaient seuls au monde, en criant pour s'appeler alors qu'ils sont à une centaine de mètres les uns des autres. Ça en devient vraiment agaçant.
On reprend la route pour rejoindre Green River Overlook. Le point de vue est impressionnant et on voit clairement les différents plateaux, ces différents étages de falaises. Un peu de verdure est visible sur les bords de la Green River, qui porte bien son nom. Cela dit, plusieurs raisons sont données pour le nom de ce fleuve qui se jette ensuite dans le Colorado, mais aucune n'a pu être confirmée jusqu'à maintenant.
Quand on arrive au point de vue, deux jeunes femmes sont de l'autre côté de la barrière. Un homme leur dit qu'elles sont folles de faire ça, c'est dangereux, des gens peuvent mourir comme ça… avant qu'il ne fasse de même une fois qu'elles sont repassées du bon côté. Il y a de sacrés casse-cous dans les environs.
On s'arrête à Buck Canyon Overlook qui offre encore une fois une vue sur un paysage spectaculaire. On a l'impression de voir le fond de l'océan. Et en réalité, c'est ce que l'on voit puisque ce paysage était autrefois recouvert d'une mer. D'ailleurs, le long de ces falaises, les marques blanches contrastent avec le reste du paysage : ce sont des dépôts de sel de l'époque où tout ceci était sous l'eau. Les seules traces humaines dans ce vaste paysage sont la White Rim Road et une ancienne route minière.
On prend notre casse-croûte de midi à White Rim Overlook Picnic Area. Il n'y a pas de place pour se garer à côté d'une table, il semble que les places soient prises par des personnes qui sont parties randonner. On trouve une place sur le côté de la route avant d'emmener notre glacière à table. On est vite entourés par quatre ou cinq chipmunks qui aimeraient bien gober tout ce qui tombe par terre. On est comme encerclés par ces animaux qui s'approchent très près dès qu'on a le dos tourné, c'est une drôle d'impression. Un renard se promène également dans les environs, sans que personne ne semble le déranger.
Un peu plus tard, un couple un peu âgé revient en vélo à leur voiture. Ils demandent s'ils peuvent se joindre à nous à la table. Ils sont originaires de Seattle et font partie d'un groupe qui fait un voyage dans les environs en alternant journées de marche et journées de vélo pendant huit jours. C'est donc eux qu'on a vu un peu partout aujourd'hui sur les routes du parc, dans leurs vestes fluorescentes ! Ils ont perdu leur groupe pour l'instant : soient ils sont loin derrière, soient ils sont en avance. Mais rien d'inquiétant. Ils prennent le temps de manger un morceau avant de poursuite leur balade à vélo. Il remarque ma veste Columbia et nous explique que leur fils a travaillé pour eux pour la distribution européenne, près d'Amsterdam. Comme beaucoup d'Américains qu'on a rencontré, eux aussi nous demandent comment on fait pour avoir le temps de faire un voyage de presque trois semaines, après qu'on leur ait expliqué notre itinéraire.
Grand View Point se trouve tout au sud de cette partie du parc. Le parking est bondé, mais heureusement, une voiture s'en va alors qu'on arrive. La randonnée de plus de trois kilomètres aller-retour longe la falaise haute de 300 mètres et qui surplombe ce paysage. C'est là que se trouve la célèbre "patte de dinosaure" creusée dans la roche par le Colorado.
La randonnée est facile en soit, il n'y a pas de grosse montée ou descente mais quelques endroits sont délicats si l'on a le vertige : il n'y a absolument aucune barrière tout le long du chemin. Certains endroits sont un peu plus étroits et on arrive à passer ces "obstacles" tant que l'on regarde bien devant soi. On longe d'abord le côté est pendant un long moment avant que le chemin ne traverse le petit plateau pour nous offrir une vue sur le côté ouest. La vue est simplement fantastique de tous les côtés. C'est sans aucun doute l'une des plus belles randonnées du voyage. Au loin, les sommets des montagnes La Sal sont enneigés, il n'a pas seulement plu cette nuit : en altitude, il a neigé !
Après un peu plus d'une heure à avoir contemplé ce paysage saisissant, on se dirige vers notre dernier arrêt dans ce parc : Mesa Arch. Elle est célèbre chez les photographes qui viennent en nombre au lever de soleil. La randonnée est plutôt facile et on arrive vite à cette arche à travers de laquelle on peut voir le paysage en contrebas. De nombreuses personnes se font prendre en photos devant elle. Il est bien évidemment interdit de marcher dessus, et ce serait bien dangereux sachant le vide qu'il y a derrière. On peut d'ailleurs voir une faille, l'endroit où l'arche se décroche du reste de la falaise. On a l'impression qu'on pourrait la faire tomber rien qu'en s'appuyant dessus…
On reste de longues minutes sur la gauche de l'arche, à admirer ce paysage fascinant devant nous : ces canyons, ces pics, ces montagnes enneigées… On ne s'en lasse pas ! Avant ce voyage, on se disait que peut-être au bout d'un moment, on serait blasés de voir autant de roches tous les jours… Mais tous ces endroits qu'on a pu découvrir jusqu'à maintenant sont tellement différents qu'on s'émerveille encore chaque jour. Tant mieux, espérons que ça continue ainsi jusqu'à la fin du voyage !
En ressortant du parc, on doit marquer un stop à la guitoune avant de sortir du parc. On remarque qu'ici aussi ils ont les petites boîtes pour mettre les prospectus et les plans à recycler. Ça nous rappelle celui qu'on avait vu à la sortie de la Bibliothèque du Congrès à Washington lors de notre premier voyage en 2011.
Alors qu'on quitte le parc, on croise trois School Bus, l'un derrière l'autre en direction de Canyonlands. Serait-ce une navette comme une autre ou bien réellement des bus remplis d'écoliers ?
Avant de retourner à Moab, on s'arrête à Dead Horse Point State Park. Petite appréhension quand on arrive à la cabane d'entrée : nous n'avons toujours pas de liquide. Acceptent-ils la carte bancaire par ici ? Oui, seulement celle de Revolut ne passe pas car ils n'ont rien pour lire la puce. On donne donc une autre carte pour pouvoir payer l'entrée du plus connu des State Park américain.
Le parc est beaucoup plus petit que Canyonlands évidemment et le sentier passe parfois très près du bord avec comme seule sécurité un petit rebord en pierres. Le fameux Gooseneck de Dead Horse Point est à l'ombre en cette fin d'après-midi mais il est tout de même spectaculaire, plus fin et allongé qu'à Horseshoe Bend. Une voiture est sur la piste en contrebas, ce petit point minuscule qui avance dans ce paysage immense. J'espère qu'ils savent où ils vont car le soleil ne va pas tarder à se coucher.
Les bassins d’évaporation de potasse de la mine de Cane Creek, ouverte en 1963, sont d'un bleu éclatant et se détachent parfaitement du paysage. La couleur bleutée est artificielle et provient d’un colorant qui permet de faciliter l’absorption de la lumière et de la chaleur du soleil pour accélérer le processus d’évaporation afin de récupérer le sel et le potassium, utilisés entre autres dans l'industrie agroalimentaire. Il faut quasiment une année entière pour que l'eau se soit totalement évaporée. Vous aurez tout le temps de l'admirer, puisque la mine peut encore fournir des minerais de potasse pendant plus d'une centaine d'années avant d’être épuisée…
Les nuages commencent à se dissiper au-dessus des montagnes et nous laissent entrevoir leurs sommets enneigés. Quel spectacle ! L'ombre commence à envahir la vallée alors que le soleil se couche. Cela devient une habitude : on reste après que le soleil ait passé l'horizon. Cette lueur, cette lumière diffuse qui éclaire maintenant la roche partout autour de nous est absolument fantastique ! Je ne le dirai jamais assez : restez après un coucher de soleil, le spectacle n'est pas fini, loin de là. Je m'en donne à cœur joie pour les photos. Un homme âgé qui passe par là me lance "Looks like you know what you're doing when it comes to photography!" J'espère en tout cas… Le résultat n'est pas mauvais il me semble.
La lumière ce soir-là est tout simplement fantastique alors qu'on retourne à la voiture. Tout semble illuminé par une lumière diffuse, très douce, projetée par une ampoule géante. Le ciel est d'un jaune-orangé incroyable ! Mon appareil est rangé dans le coffre alors qu'on quitte le parc. Dommage (et non, je n'ai pas envie de ressortir au froid) mais ça reste un moment incroyable. On se met de la musique country (ça devient un rituel) en suivant une Dodge Challenger et ses feux arrière si caractéristiques alors que la nuit tombe et que l'on reprend la route pour Moab.
On s'arrête au Broken Oar Restaurant à l'entrée de la ville. Il y a de l'attente… il faut compter une vingtaine de minutes avant d'avoir une table de libre. La serveuse nous inscrit sur une liste et on repart faire les courses et laver les vitres au supermarché de ce matin. Ce sera ça de moins à faire après manger.
En revenant, une table s'est libérée, on peut s'installer. L'attente pour le plat est un peu longue mais c'est bon, c'est l'essentiel. Ce sera Chickens Tenders pour moi et le Broken Oar Burger pour Stéphane. Le cadre est magnifique : c'est un chalet en rondins et on a une table à l'étage qui surplombe la salle principale du restaurant. C'est un très beau décor et une belle ambiance. La serveuse passe pour savoir si on a besoin d'autre chose. Non, tout va bien. Quelques minutes plus tard, elle nous ramène l'addition. On s'est fait avoir encore une fois. Ils ont cette manie de demander alors qu'on n'a pas encore finit le plat principal… et le dessert alors ? On ne peut pas dire tout de suite si l'on aura encore de la place ou pas…
Nous n'avons toujours pas de liquide, on souhaite donc ajouter le pourboire à notre note, comme la veille mais chez eux, ça fonctionne différemment : elle passe la carte pour le prix du repas, puis sur le ticket de caisse, on doit écrire la somme de notre pourboire. Ce sera la somme totale (repas et pourboire) qui sera débitée par la suite. Ce système nous semble très étrange et peu sécuritaire du fait qu'ils peuvent mettre ce qu'ils veulent comme montant à débiter, mais soit…
Quand on rentre à l'hôtel, on a la bonne surprise d'avoir changé de voisins de chambre. Tout de suite, c'est plus calme. La dernière nuit à Moab sera plus paisible, avant de continuer notre route vers Capitol Reef demain.
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