Visites en terre Navajo
On ne se lève qu'à 6h en ce beau matin, c'est la grasse mat' ! Pas de lever de soleil aujourd'hui, mais on a un rendez-vous de prévu à 8h10.
Pour l'instant, on dépose une partie des bagages dans la voiture, en allant dans la salle du petit-déjeuner, qui se trouve dans le hall de l'hôtel. Sur le parking, on croise l’Américaine qu’on a vu la veille lors du check-in. Elle nous demande quelle est notre prochaine étape : Monument Valley. Elle et son amie en viennent justement. Elle nous souhaite un bon voyage pour la suite.
On arrive juste à temps dans la salle du petit-déjeuner, avant qu'un groupe d'Asiatiques ne débarque à son tour. Au vu de leur manque de politesse, ce sont probablement des Chinois… Les files d'attente, ils ne connaissent pas. L'un d'eux veut me griller pour mettre ses toasts dans le grille-pain. "Sorry, do you mind?" je lui lance sur un ton sévère, qui me surprend moi-même… Moi qui n'ose pas dire grand-chose d'habitude. Mais d'un, ils commencent sérieusement à m'agacer avec leur attitude et de deux, je ne rigole pas quand il s’agit de manger !
Un couple s'assoie à notre table par manque de place. Impossible de communiquer puisqu'ils ne parlent pas anglais. En voyant d'autres clients manger debout, on se dit qu'on a eu de la chance. Une minute plus tard et on aurait été dans la même situation...
Pendant que Stéphane fait le plein du réservoir et lave le pare-brise, je passe un coup de téléphone à ma banque qui m'a laissé plusieurs messages vocaux et SMS à propos de deux débits en dollars sur mon compte. Je leur explique que oui, je suis bien aux États-Unis et que les débits sont normaux. J'avais effectivement oublié de les prévenir que je partais à l'étranger.
On passe vite fait au Safeway pour acheter une brosse à dents à Stéphane qui a cassé la sienne la veille avant de chercher, en vain, une Bank of America pour retirer du liquide. Il semble qu'il n'y en ait pas dans les environs. Ça devient embêtant, il ne nous reste plus beaucoup de billets dans le portefeuille… On paye principalement avec la carte mais on ne sait jamais, ça peut toujours servir.
On décide de faire un détour à Glen Canyon Dam Overlook sur notre route vers Lower Antelope Canyon, puisqu’on est en avance sur l’horaire. Il n'y a absolument personne, ni sur le parking, ni au point de vue. Les roches qui forment le sentier sont magnifiques avec ces superpositions de fines couches de pierre. Le canyon est à l'ombre, mais ça n'enlève rien à la beauté du lieu qui nous fait penser à Marble Canyon de la veille et à Lee's Ferry.
Notre réservation pour Lower Antelope Canyon est à 8h40 avec l'opérateur Ken's Tour. Il faut faire le check-in une demi-heure avant et s'acquitter des 8$ par personne de frais d'entrée, à payer en liquide au comptoir (en plus du prix de la visite déjà payée lors de la réservation).
On patiente d'abord à l'extérieur où l'on remarque qu'ici aussi, les drapeaux sont en berne, avant d'entrer dans le bâtiment qui renferme une boutique d'objets fabriqués à la main et une galerie photo. L'attente se fait dans une pièce à part. Un indien Navajo vient nous chercher pour nous diriger vers notre guide, une femme. Quatorze personnes composent notre groupe. On part à l'heure puis on marche un peu moins d'une dizaine de minutes jusqu'à l'entrée du canyon. Nous sommes partis du bâtiment à l'heure, c'est une bonne chose, mais il faut maintenant attendre de pouvoir entrer dans le canyon. Et là, c'est une autre affaire ! Il y a deux files d'attente distinctes : celle pour Ken's Tour et celle pour Dixie's Tour. Il y a facilement trois ou quatre groupes devant nous, sans compter ceux de l'autre opérateur… La patience est de rigueur.
La guide fait la conversation avec les touristes. Certains lui demandent pourquoi elle a un foulard en guise de masque sur sa bouche et son nez : ils se protègent du sable et de la poussière tellement fine puisqu'ils sont dans cet environnement toute la journée. Elle explique que de nombreux canyons comme celui-ci ne sont pas ouverts au public. Seuls les indiens Navajo y ont accès car ils sont sur leurs terres et font partie des réserves indiennes. Elle s'y promène parfois et prend une arme avec elle pour se protéger des animaux sauvages, comme les cougars ou les pumas. Ici, ils sont plutôt rares car il y a trop de monde mais elle en a aperçu un une fois, juste au-dessus de la bute, sur notre gauche, en train de regarder les touristes…
On a de la chance, on patiente à l'ombre et au bout d'un moment, je commence même à avoir un peu froid, c'est pour dire ! Vingt-cinq minutes plus tard on descend enfin dans le canyon. L'entrée dans Lower Antelope Canyon se fait par des escaliers, contrairement à l'Upper Antelope Canyon qui est au même niveau que le sentier. Le troisième et le dernier ressemblent plus à des échelles et sont les plus compliquées car les plus raides. Je préfère les prendre en arrière, c'est plus rassurant.
Il fait bon dans le canyon, alors qu'on s'attendait à de l'air frais, puisqu'on est à l'ombre. Plus tard dans la journée, il doit même y faire chaud. La première vision que l'on a du canyon nous émerveille déjà, avec ces roches si lisses. La couleur est fantastique. La guide nous donne déjà un conseil pour les photos : un filtre sur l'iPhone et le réglage de la balance des blancs pour les autres appareils. Elle attend que le groupe devant nous avance, avant de donner quelques indications au niveau de la première échelle qu'il faut grimper. La guide nous montre les trous dans la roche où était fixée l'ancienne échelle. Il y a plusieurs crues éclaires par an dans le canyon, dont une qui l'inonde entièrement. La force de l'eau arrache parfois les échelles… À l'ouverture du canyon au public, il n'y avait d'ailleurs qu'une corde à cet endroit.
Entre 2 000 et 3 000 personnes par jour visitent cet endroit et la guide fait environ trois visites guidées dans la journée. Je lui demande si elle voit encore la beauté du lieu. "Pas vraiment," me dit-elle, parce qu'elle en a tellement l'habitude… Pour elle, c'est un endroit comme un autre.
Les roches sont telles des vagues figées dans le temps et laissent parfois entrevoir quelques coins de ciel bleu. De temps en temps, de petites boules apparaissent sur la roche, suivies d'une sorte de trainée. Elles sont surnommées les "shooting stars" ou étoiles filantes. Ce sont en fait des boules de calcium. La guide s'arrête parfois pour nous prendre en photo avec mon appareil, voir même prendre en photo un endroit réputé du canyon à notre place. Sans le faire exprès, on se retrouve au début du groupe, on a donc le temps et la place pour profiter du canyon devant nous : le groupe précédent est souvent hors de vue.
Bien que l'endroit soit très touristique, il vaut largement le détour. On se croirait plongé dans un autre monde. Certaines parties sont très étroites, il faut parfois prendre son temps pour mettre un pied devant l'autre sans se fouler la cheville sur le rebord. Plusieurs petites échelles et escaliers se succèdent mais sans aucune difficulté. Les formes de la roche sont splendides et la lumière ne fait qu'embellir encore l'endroit. Certaines roches sont d'un orange prononcé tandis que d'autres endroits sont rosés. C'est un jeu de couleurs, de lumières et de formes. On en prend plein les yeux !
On arrive ensuite dans une partie plus large, où l'on se rend mieux compte de la profondeur de l'endroit. Le guide de l'autre groupe lance de la poussière en l'air pour voir les célèbres "light beam", ces faisceaux de lumière formés par les rayons du soleil. Un peu plus loin, ça se fait naturellement et on comprend mieux pourquoi les guides se protègent avec un foulard : il y a énormément de poussière dans l'air, mais elle est quasiment imperceptible !
Un peu plus d'une heure après notre entrée, une succession d'escaliers nous mène à la sortie, qui se fait dans une partie étroite, à peine visible de l'extérieur. On parle souvent de cet endroit comme un attrape-touristes mais cette visite nous a enchantés et change de ce qu'on a pu voir jusqu'à maintenant. Pour nous, c'est un incontournable et une vraie beauté ! On ne regrette absolument pas.
On prend une photo avec notre guide avant de lui donner un pourboire. Peu de personnes le font dans notre groupe mais vu sa gentillesse et les photos qu'elle a prisent, on se dit qu'elle le mérite.
Je prends le volant quelques kilomètres plus loin, mais je ne suis pas installée très confortablement. Impossible pour moi d'avancer d’avantage le siège. J'espère ne pas avoir à freiner d'urgence car mon temps de réaction est allongé par le temps nécessaire pour atteindre les pédales ! Ces lignes droites sont interminables. Je suis bien contente d'avoir un chauffeur pour ce voyage parce que mes yeux fatiguent vite, je sens que je pourrais m'endormir facilement au volant par ici… La position inconfortable n'aide pas vraiment. Chacun son rôle : Stéphane conduit, je prends les photos. Il a tendance à s'ennuyer dans le siège passager, alors il s'essaye comme il peut aux photos (et il ne s’en sort pas si mal en fin de compte !). Je m'arrête à une station-service, à l'intersection avec l'US-160, pour rendre le volant après avoir fait un peu moins d'une centaine de kilomètres.
Les environs sont bien plus verts que ce qu'on pensait. Il y a bien plus d’arbres, d'arbustes et d'herbe jaune alors qu’on pensait à tort que ça ne serait qu’une succession de roches et de sable. À Kayenta, un camion de pompier bloque l’artère principale pour une fête qui se déroule au centre de la ville, avec un cortège de quelques chars décorés. On doit faire un détour par une piste en terre. Ça nous fera de l’entrainement avant la piste de Monument Valley… Et il y a de la circulation !
Alors qu’on reprend la grande route et qu’on s’approche de Monument Valley, on se fait dépasser plusieurs fois, alors qu’on roule à la vitesse autorisée. On dirait que tout le monde est pressé par ici ! À côté, même le Grand Canyon nous paraissait plus calme.
Avant de bifurquer vers Monument Valley, on s’arrête au Navajo Welcome Center pour pique-niquer. Il n’y a personne quand on arrive pourtant les tables à l’ombre sont parfaites. Et que dire de la vue ? L’endroit est excellent pour une petite pause.
Alors qu’on s’approche de l’entrée de Monument Valley, le haut des célèbres buttes commence à pointer le bout de leur nez. On règle les 20$ de droit d’entrée dans la réserve indienne avant de trouver une place sur le parking. On se dit qu’on jetterait bien un œil à cette vue avant d’aller faire la piste. On s'approche du bord et tout d’un coup, nous voilà surplombant cette vallée. Quelle vue ! On l’a pourtant admirée des dizaines de fois en photo mais ces trois célèbres monticules sont bien plus impressionnants et imposants que ce que je pensais. Voilà une autre claque du voyage !
Je l’avoue, je ne m’attendais pas à quelque chose d’aussi majestueux. Le site est extrêmement touristique et tellement célèbre… Il ne me paraissait pas si impressionnant. Pourtant, j’en ai presque la larme à l’œil devant ce paysage… Après plusieurs minutes à l’admirer, on retourne à la voiture pour entamer la descente sur la Valley Drive, la piste en terre de plus de 27 kilomètres. Il est 15h quand on s’y aventure. On y voit quelques berlines et même un cabriolet. Ça nous rassure un peu. On avait justement choisi de prendre un SUV pour être un peu plus surélevés à l’idée de faire quelques pistes en terre.
On s’arrête rapidement, au bout de quelques centaines de mètres, devant la West Mitten Butte qui fait 260m de haut. C’est drôle comme l’East Mitten Butte semble être l’exact opposé de la West Mitten Butte, avec cette pointe qui tient en équilibre, à droite ou à gauche du reste de la butte.
La piste jusqu’à Elephant Butte, à la forme surprenante de ce grand pachyderme, est très roulante, comme si elle était recouverte de gravier. Mais attention au fossé de chaque côté. Sur notre droite, les Three Sisters montent la garde sur ce territoire sacré.
La partie avant John Ford Point est un peu plus délicate… Stéphane gère en évitant les trous un peu trop profonds. Un indien propose des photos sur son cheval. 1$ si c’est lui sur le cheval, 3$ si c’est le touriste qui monte à cheval. Mais même sans cheval et sans cavalier, la vue est déjà fantastique; pourtant, nous n’avons pas vécu l’époque des westerns qui ont été tournés ici. Alors pour ceux qui connaissent, ce doit être encore plus spécial de se retrouver dans ces lieux.
Après plusieurs kilomètres sur la piste, autant dire que la voiture a changé de couleur ! Il y a de la poussière partout, même à l’intérieur. Et quand on ferme le coffre après avoir bu une borne gorgée d’eau bien fraiche (ou de Coca pour Stéphane…), mieux vaut enlever la main vite fait : la poussière glisse et tombe d’une traite. Les empreintes de doigts sont bien visibles aussi sur la portière. Dire qu’elle était noire cette voiture… Au fait, je ne l'ai pas dis mais à chaque fois que je touche la portière ou la poignée, je me prends un coup d'électricité. J'en viens à fermer la porte en ne touchant que l'intérieur ou en utilisant la bandoulière de mon appareil photo pour ne pas avoir à toucher le métal. Vive le sable et l'électricité statique !
Il est surprenant de se dire que certaines personnes vivent ici toute l’année : parfois, des petites cabanes ou habitations typiques sont là, dans un coin du paysage. Un endroit à la fois très calme et rempli de touristes pendant une partie de l’année.
Après notre arrêt à Totem Pole, on remarque la partie cabossée et le gros trou en plein milieu de la piste. On s’inquiète un peu pour la petite voiture qu’on vient de voir sur le parking de l’arrêt précédent. Ça va être compliqué de passer pour eux… Finalement, on les revoit un peu plus tard à un autre point de vue. Leurs rôles sont inversés par rapport à nous : c’est elle qui conduit et c’est lui qui prend les photos. Et par ici, il y a de quoi faire ! La vue y est splendide et les arbres ont des formes tellement surprenantes. On dirait qu’ils sont tissés à la corde. Entre ces couleurs, ce sable et ces arbres, on se croirait perdus en pleine savane.
Alors qu’on traverse la piste pour prendre des photos depuis l’autre côté, une Ford Mustang Cabriolet frotte le bas de caisse dans un passage en creux. Le réflexe prend le dessus, et personne sur place ne peut s’empêcher de laisser échapper en cœur un "Aie…" en entendant le bruit. Ce n’est pas bon signe. Quand on reprend la route, on remarque des bouts métalliques qui jonchent le sol.
On monte la côte qui mène à Artist Point, qui est sans aucun doute l’un des plus beaux points de vue de la piste. Sur le parking, on revoit la petite voiture. C’est un couple d’une trentaine d’années vivant à Londres mais originaire de Birmingham. On se prend en photo à tour de rôle. "God knows how many pictures I’ve taken! I’ve photographed it under every angle," dit-il en rigolant. Je confirme, il y a tellement à photographier par ici. Je viens justement de devoir changer ma carte mémoire. Encore une de remplie… Et encore un coup de jus quand j'ouvre cette satanée portière !
Cet endroit doit être fabuleux au lever du soleil. Ce point de vue est moins visité que John Ford’s Point mais tout aussi beau à mon sens, voire même plus. Un des SUV d’un groupe de touristes vient de frotter le bas de caisse en voulant repartir du parking. Le bruit n’est pas beau à entendre. D’ailleurs un bout métallique est en train de pendre… C’est la compagnie de location qui va être contente. Comme quoi, même avec un SUV, on n'est pas à l'abri d'un souci.
On reprend la route (ou plutôt la piste) et certains endroits deviennent délicats, au point de vérifier en sortant de la voiture. On est vraiment contents d’avoir un SUV plutôt qu’une berline. On a l’esprit un peu plus tranquille. Les couleurs sont fantastiques alors que l’on passe de l’ombre créée par la falaise sur notre gauche à une partie à nouveau ensoleillée de la piste.
On a largement pris notre temps pour faire la piste, avec de nombreux arrêts, sans se presser. Il est 17h40 quand on remonte au parking de l’hôtel, après cette très belle expérience de plus de 2h30. Je m’attendais à y voir plus de monde, mais finalement c’était plutôt calme.
Il est l’heure de faire le check-in. Le réceptionniste est sympathique et explique tout clairement. La chambre, bien que sans vue sur la vallée, est très bien. Il y a même une machine à café Starbucks. Mais toujours pas de chocolat… Ici, le café et le thé sont rois.
Le temps de déposer nos bagages puis on ressort pour le coucher du soleil. Près de l’hôtel, il y a déjà du monde et deux photographes sont placés devant les fameux rochers arrondis. On se déplace donc plus loin vers la gauche, dans un endroit plus calme. C’était sans compter sur un couple de français accompagnés de leurs quatre enfants… À les entendre, on croirait qu’ils ne comprennent pas la chance qu’ils ont d’être là à leur âge. C'est bien dommage.
Le soleil commence à descendre et la température en fait de même. L’ombre recouvre une grande partie de la vallée alors que les buttes se mettent à rougir. Derrière nous, le soleil est sur le point de passer derrière la montagne. Les gants et le bonnet sont de nouveau de sortie quand la dernière lueur illumine le sommet des buttes. Le fait d’être en hauteur par rapport à ce paysage donne un charme fou à l’endroit. On a l’impression de plonger dans ce décor.
J’attends avec impatience ce moment qui est devenu mon préféré lors d’un coucher de soleil dans l’ouest, celui qui apparait un quart d’heure après que le soleil soit parti de l’autre côté… Et quel spectacle ! Les roches semblent illuminées par une lumière diffuse et pourtant invisible. Aucune lampe torche n’a été maltraitée, ni même utilisée, pour la prise de ces photos. Promis !
Comme d’habitude, il n’y a plus grand monde dehors pour profiter de ce moment magique. On se rapproche doucement de l’hôtel en cherchant de nouvelles compositions. Les photographes vus plus tôt ont bougés de place entre temps. Il faut dire que beaucoup de touristes veulent se faire prendre en photo sur ces fameux rochers, devant ce paysage mythique. Eux aussi se sont installés plus à gauche, au calme, et sont en train de donner quelques explications sur leur méthode à un jeune venu les saluer plus tôt.
Quelques voitures remontent encore la piste dans l’obscurité, après que leurs occupants aient profité du coucher de soleil depuis divers endroits de la Valley Drive. Il fait quasiment nuit noire quand on décide de rentrer se réchauffer : un bon repas chaud et une bonne douche chaude nous feront du bien ce soir. Demain, une (très) longue journée nous attend !
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